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Quels liens existent entre les danses traditionnelles africaines et les danses urbaines ? Anne Nguyen s’est lancée dans cette recherche dans sa dernière création [Superstrat[.

[…] Alors que l’on s’installe dans la salle, Mark-Wilfried Kouadio, en chemise rouge et pantalon à motif – où James Brown et Nina Simone côtoient des masques africains –, s’étire dans le fond de la scène. Il s’avance devant la salle, debout, et fait onduler son bassin avec vélocité, précision, sans beaucoup d’amplitude.

Orchestré comme une longue variation,  [Superstrat[  nous fait traverser une myriade d’états corporels, d’énergies et d’imaginaires. Le danseur fait onduler sa colonne vertébrale avec fluidité, déploie ses bras avec soin, comme s’il possédait de grandes ailes, puis il fait pulser son torse ou agite les bras avec puissance face à lui. Parfois, l’ambiance devient festive, lorsqu’il arbore des petits pas, la tête penchée vers l’avant, comme s’il se délectait de la musique, ou sportive lorsqu’il esquisse des mouvements de break, ondulant comme un ver de terre sur le sol. Porté par la bande sonore, tantôt lancinante, tantôt entraînante de Pierre Demange et Grégoire Letouvet, qui fait pulser piano, percussions et sonorités électro, on découvre les similitudes entre les danses traditionnelles africaines et les styles hip-hop des dernières décennies : break, popping, locking, krump ou hip-hop new style. Seraient-elles des danses superstrat ? 

Le corps de Mark-Wilfried Kouadio se déploie face à nous comme une cartographie mouvante. Elle trace des lignes et des courbes faisant des liens, des ponts, entre ces danses, qui, chacune à leur manière, et dans leurs contextes, sont porteuses d’une identité singulière et cimentent une communauté. Une nouvelle preuve que l’histoire de la danse se constitue à travers les tournées, les voyages, les correspondances, les cassettes envoyées à l’autre bout du monde, les vidéos qui circulent sur Internet, mais aussi à travers la colonisation, la migration ou l’exil. C’est toute la complexité de la fabrique des gestes qui habite ce solo. »

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La traversée de Mark-Wilfried Kouadio («[Superstrat[», d’Anne Nguyen)

« Du côté de la danse hip-hop on peut suivre le travail de la française Anne Nguyen, qui vient de présenter un solo réussi dansé par le jeune Ivoirien Mark-Wilfried Kouadio alias « Willy Kazzama », [Superstrat[, qui, en linguistique, désigne les éléments nouveaux dans une langue, provenant de l’étranger.

Il pratique à la fois les danses traditionnelles et les danses urbaines. Concernant la première catégorie il a pu expliquer lors d’une rencontre en novembre dernier ceci : la Côte d’Ivoire compte plus de 60 ethnies [sur une population de 30 millions d’habitants], chaque ethnie pratiquant au moins 3 danses. Dans un village, la danse est présente tout au long de la vie sociale (fête, mariage, décès, etc.) ou personnelle (puberté atteinte, etc.), dans un échange avec les ancêtres, les divinités, la nature et les animaux. Certaines danses ne doivent pas être vues par des enfants, des femmes, des hommes ou les villages voisins. C’est un Bété du nord du pays, peuple agricole. Les danses urbaines mobilisent des motricités que l’on trouve déjà dans les danses traditionnelles, sans le savoir souvent, et sans l’ensemble des représentations associées.

Ce soir, il apparait soudain, au fond à gauche du plateau. Il s’étire et s’échauffe. Il est habillé de façon élégante et sobre, large chemise d’un rouge puissant, ample pantalon d’un blanc cassé, qui au loin semble constellé de tâches colorées qui se révèlent être [un mélange de portraits et de masques].

Il s’approche du public, qu’il contemple. Il nous fait face. Non pas, comme souvent en danse, dans une volonté de séduction facile, ou de prise de parole convenue. Il s’agit plutôt, à rebours de l’obligation de vitesse, de prendre le temps d’observer un visage, et, plus précisément, son mystère. Il danse, de façon précise et inventive.

Il nous semble qu’il ne s’agit pas de dresser un portrait d’un homme, dans une logique plus ou moins psychologique, mais bien plutôt de lui faire, de nous faire, traverser des strates de danses, de consciences, de perceptions, de clarté et de troubles. »

« [Superstrat[ Anne Nguyen 
  Cie par Terre – env. 50 min – dès 5 ans 

Avec le danseur ivoirien Mark-Wilfried Kouadio, Anne Nguyen part à la recherche de ce qui relie les racines ancestrales de la danse, de la musique et du patrimoine de la diaspora afro-américaine. Elle évoque les liens forts entre l’Afrique et l’Amérique qui ont donné naissance à la culture hip-hop, et les rapproche du parcours contemporain d’un danseur africain urbain et traditionnel.

Ce solo nous invite, par la danse et par la musique, à examiner notre relation aux cultures issues de l’immigration et à explorer différents accords possibles entre tradition et modernité… Comme toujours avec la chorégraphe, c’est à la fois puissant, graphique, intelligent, généreux. »