Article sur Anne Nguyen dans le magazine Causette du mois de juin

Anne invente de nouvelles gestuelles hip-hop. Elle excelle en breakdance, la plus physique des disciplines. “Dans le break, on voit vos fesses dans toutes les positions, vous avez des postures animales. C’est pour ça qu’il n’y a pas beaucoup de filles et que c’est une danse masculine, au départ.”

Anne découvre la danse hip-hop en écoutant le rap revendicatif qui passe à la radio dans les années 90. C’est à 22 ans, à Montréal, où elle est venue améliorer son anglais, qu’elle rencontre des breakeuses dans un cours de capoeira. Avec elles, elle pratique la breakdance dans des soirées animées par des DJ. Frondeuses, elle va s’entraîner avec les garçons, une fois de retour en France, dans des espaces publics investis par les danseurs, comme le Forum des Halles, à Paris. “Les garçons vous acceptent si vous êtes au niveau. Il y a peu de breakeuses, car c’est très physique. C’est du hip-hop au sol avec des figures où l’on tourne sur la tête. Beaucoup de filles ont peur de se faire mal. J’ai d’ailleurs eu un kyste à la tête, que j’ai dû me faire enlever. Je me suis fait opérer des deux genoux suite à de mauvaises blessures, et j’ai des durillons sur les doigts.”

Anne a grandi à Charenton (94), elle est eurasienne. Son père travaille à la télévision et sa mère est prof. Preuve que l'on peut être une danseuse de hip-hop sans avoir traîné dans les cités. Elle pratique aussi les arts martiaux et, pour elle, la breakdance constitue un sport de combat. Elle a créé la Compagnie par Terre en 2005. Dans ses derniers spectacles, elle invente une nouvelle danse de couple robotique avec du popping (contraction et décontraction des muscles en rythme) ou du looping pop (gestuelle de poupée qui se détraque) rythmé par la musique de chambre de Brahms ! A 36 ans, Anne défend bec et ongles les valeurs du hip-hop : "Pour moi, c'est une éthique de vie. Le partage, la transmission. C'est aussi un dépassement de soi. Il y a une énergie guerrière pour résister à la société, qui veut que l'on soit tous pareils, où l'on n'est pas libres de nos mouvements."